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Les rivalités économiques entre la Chine et les États-Unis

Economie
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La Chine et les États-Unis s’affrontent sur le terrain des droits de douane, des nouvelles technologies ou encore des échanges commerciaux. Les tensions économiques entre les deux puissances ont une forte dimension géopolitique et des répercussions sur le reste du monde.

Deux superpuissances aux modèles différents

Les États-Unis et la Chine constituent la première et la deuxième économie mondiale, en termes de PIB (la production totale de biens et de services). Les deux pays représentaient ensemble 43 % du PIB mondial en 2024 (respectivement 26 % et 17 %).

Les deux pays reposent sur des modèles économiques différents : la Chine est depuis 2009 le premier exportateur mondial de biens et les États-Unis sont le premier importateur.

La Chine consacre une partie de sa stratégie économique aux investissements publics (subventions, prises de participation dans des entreprises, construction d’infrastructures), notamment dans de « nombreux secteurs de pointe », comme les énergies renouvelables ou les hautes technologies, selon une fiche de la direction générale du Trésor, une branche du ministère de l’Économie, en octobre 2024. La croissance du pays, autour de 10 % dans les années 2000, s’est ralentie, mais reste forte, s’élevant à 5 % en 2024. Une grande partie de la croissance chinoise est tirée par les exportations.

L’économie américaine est davantage portée par la consommation intérieure, qui représentait plus de 80 % du PIB en 2024, selon les données de la Banque mondiale, une
institution financière internationale. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump, l’actuel président des États-Unis, a donné lieu à « un programme fondé sur le nationalisme économique à l’étranger et sur des politiques relativement favorables au marché à l’intérieur », faisant de la Chine « la principale cible des politiques protectionnistes », selon une note de Coface, une société d’assurance-crédit qui analyse les risques économiques dans différents pays.

Les économies américaine et chinoise sont étroitement liées. La Chine possède les plus grandes réserves de change au monde – c’est-à-dire des avoirs en devises étrangères et en or détenus par sa banque centrale. Une part importante de ces réserves est investie dans des bons du Trésor américain, autrement dit des titres de dette de l’État fédéral. En
achetant cette dette, la Chine contribue au financement des déficits budgétaires américains et aide à maintenir l’équilibre de la balance des paiements des États-Unis.

Donald Trump justifie son offensive douanière contre les produits chinois, amorcée en 2018 et poursuivie en 2025, par le déficit commercial (l’excédent des importations sur les exportations) des États-Unis avec la Chine.

La guerre douanière et commerciale

En 2018, lors du premier mandat de Donald Trump, le président américain a ainsi imposé des droits de douane sur des importations chinoises. Si cette politique vise alors la baisse du déficit commercial, « les États-Unis craignent surtout de se faire dépasser par la Chine dans des secteurs de pointe », expliquait l’économiste Sébastien Jean, dans un billet du centre de recherche CEPII en 2018. Les deux pays signèrent un accord commercial en 2020, qui apaisa temporairement les tensions. La Chine s’y était notamment engagée à acheter davantage de biens et services américains. Les chiffres promis n’ont pas été atteints.

En 2022, les États-Unis, présidés par Joe Biden, restreignent cette fois-ci les exportations vers la Chine de produits informatiques avancés et de semi-conducteurs (des composants rentrant dans la fabrication d’ordinateurs, de smartphones ou de missiles balistiques). Cette mesure vise à « endiguer les progrès technologiques chinois » dans des secteurs clés comme l’intelligence artificielle, selon une tribune signée par deux chercheurs du centre de réflexion Ifri en octobre 2022.

Donald Trump revient à la charge à partir de février 2025, lors de son second mandat, en imposant à nouveau des droits de douane à la Chine et à d’autres pays, pour « corriger les déséquilibres dans le commerce international » des États-Unis. La Chine a répliqué par des mesures similaires sur les produits américains. Les deux pays ont conclu une trêve en mai.

Renouvelée en août, elle prévoyait une pause à la guerre commerciale de 90 jours, en suspendant partiellement les droits de douane réciproques. La Chine s’était aussi engagée à reprendre ses exportations aux États-Unis des terres rares, un groupe de métaux essentiels à la fabrication de produits de haute technologie.

Toutefois, après cette accalmie, les tensions entre les deux se sont à nouveau aggravées récemment. Le 9 octobre, le ministère du Commerce chinois a annoncé de nouvelles mesures de contrôle des exportations sur les technologies liées aux terres rares. Donald Trump a menacé le pays le lendemain d’imposer de nouveaux droits de douane.

Rivalités technologiques

Les mesures adoptées sous Joe Biden sur les semi-conducteurs sont révélatrices de l’un des principaux aspects du duel aujourd’hui entre la Chine et les États-Unis : les rivalités
technologiques. En dehors de l’aspect économique, « le pays capable de produire des semi-conducteurs plus avancés disposera également d’un sérieux avantage militaire », expliquait le chercheur Chris Miller dans un article en 2023. Dans cette course, les États-Unis sont à ce jour en tête, en partie grâce à la production du géant américain Nvidia. Tandis que la Chine tente de rattraper son retard en investissant dans ce domaine, les États-Unis œuvrent pour l’en empêcher, avec des restrictions comme celles de 2022.

La rivalité technologique se matérialise également sur le terrain de l’intelligence artificielle : depuis janvier 2025, l’agent conversationnel chinois DeepSeek concurrence par exemple le chatbot américain ChatGPT (OpenAI). Selon l’économiste Bhaskar Chakravorti dans un article en février, l’essor rapide de DeepSeek montre que malgré les restrictions américaines, « il est possible de créer des systèmes d’IA avancés sans avoir accès aux processeurs les plus performants », ce qui « remet en cause la suprématie des États-Unis ».

La Chine domine quant à elle le secteur des terres rares, dont les propriétés sont devenues indispensables à plusieurs industries, par exemple pour fabriquer les écrans tactiles des smartphones et les disques durs des ordinateurs. En 2023, le pays représentait 69 % de la production de ces métaux stratégiques et 40 % des réserves, selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis, un organisme public. Comme les États-Unis avec les semi-conducteurs, la Chine cultive cette avance.

Quel impact sur le reste du monde ?

Au vu du poids respectif des deux pays, les périodes de tensions entre eux se répercutent sur le reste de l’économie mondiale, entraînant une baisse de la croissance internationale.

En avril 2025, l’OMC, une organisation de régulation des échanges internationaux, prévoyait ainsi des perspectives du commerce mondial « fortement dégradées », en raison de
l’augmentation des droits de douane américains. L’institution ajoutait que les « perturbations du commerce » entre les États-Unis et la Chine pouvaient entraîner « un important détournement d’échanges », par exemple avec des exportations chinoises réorientées vers le reste du monde et d’autres pays trouvant de nouvelles opportunités d’exportation vers les États-Unis.

Des économistes de la Banque centrale européenne prévoyaient aussi en juillet une hausse des importations chinoises dans la zone euro – ce qui s’est déjà matérialisé – entraînant une baisse des prix. Si l’escalade douanière entre la Chine et les États-Unis s’est apaisée pendant un temps, les tensions et leurs conséquences ne sont en effet pas encore durablement éloignées, comme le montre l’escalade récente.

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