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Les investissements dans les énergies renouvelables sont-ils suffisants pour atteindre la neutralité carbone ?

Economie
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Les investissements dans les énergies renouvelables sont-ils suffisants pour atteindre la neutralité carbone ?

Malgré une augmentation spectaculaire des capacités de production d’électricité renouvelable, la planète reste exposée à une augmentation de sa température bien supérieure à la limite fixée par l’accord de Paris sur le climat. Des investissements massifs supplémentaires sont nécessaires qui impliquent de surmonter trois défis majeurs.

Les énergies renouvelables sont des énergies issues de sources naturelles qui se renouvellent à un rythme supérieur à celui de leur consommation. Leur production génère bien moins d’émissions de gaz à effet de serre (GES) que la combustion de combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) responsables de l’élévation de la température moyenne de la planète.

Le développement rapide des énergies renouvelables constitue un levier essentiel pour respecter les engagements de l’accord de Paris sur le climat, signé en décembre 2015 par 195 pays. Celui-ci prévoit de maintenir l’augmentation de la température bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, si possible sans dépasser + 1,5°C, et d’atteindre la neutralité carbone à partir de 2050, c’est-à-dire une situation où les émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité humaine sont fortement réduites et entièrement compensées ou capturées.

Accélération des investissements dans les énergies renouvelables

À la suite de cet accord, la part des combustibles fossiles dans la consommation totale d’énergie a baissé de deux points en dix ans, passant de 82 % en 2013 à 80 % en 2023, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), une organisation regroupant 31 pays parmi les plus industrialisés au monde. Cette baisse modeste cache toutefois un développement très fort des énergies renouvelables : la demande globale d’énergie a continué d’augmenter de 15 % sur la période et les énergies renouvelables ont permis de répondre à 40 % de cette hausse, souligne l’Agence internationale de l’énergie, dans son dernier rapport World Energy Outlook 2024, publié en octobre dernier.

La progression des énergies renouvelables connaît une accélération marquée à partir de 2020. Les investissements globaux dans la transition énergétique sont aujourd’hui deux fois plus importants que les investissements dans le pétrole et dans le gaz alors qu’ils étaient à égalité avant la crise liée liée au Covid. Ils ont pour la première fois dépassé les 2 000 milliards de dollars en 2024 selon l’AIE. Ce montant recouvre les investissements dans la production d’électricité renouvelable, les infrastructures de transport et de stockage, l’électrification des transports (les véhicules électriques), la rénovation énergétique (les pompes à chaleur, par exemple) et l’efficacité énergétique. Il comprend également les dépenses liées au nucléaire.

 

Objectif : triplement des capacités d’ici 2030

La production d’énergies renouvelables est le premier chantier de la transition énergétique. En 2023, le monde a investi 570 milliards de dollars dans les seules capacités de production d’électricité renouvelable, selon le rapport World Energy Transition Outlook 2024 de l’agence internationale des énergies renouvelables (Irena), une organisation intergouvernementale qui compte 167 Etats membres. Cela a permis, selon elle, d’ajouter une capacité de production d’énergie de 473 gigawatts (GW) et de porter la capacité installée des énergies renouvelables dans le monde à 3 870 GW, soit une augmentation jamais vue sur un an de 14 %.

Ce rythme de hausse serait toutefois encore insuffisant pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et limiter la hausse de la température moyenne à 1,5°C, souligne l’Irena. À l’instar de l’AIE, elle estime qu’il faudrait tripler le montant des investissements d’ici 2030 pour espérer rester en ligne avec ces objectifs. De fait, en décembre 2023, lors de la 28e Conférence des parties (COP 28) qui s’est tenue à Dubaï, 116 pays ont signé un accord – non contraignant – visant à tripler les capacités d’énergies renouvelables dans le monde d’ici 2030 afin de les porter à plus de 11 000 GW. Une telle capacité permettrait de porter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial de 13 % en 2023 à 20 % à la fin de la décennie.

Le solaire et l’éolien, clés de la transition

L’énergie solaire photovoltaïque est la technologie essentielle pour espérer atteindre cet objectif. Les investissements dans ce secteur ont dépassé en 2023 ceux de toutes les autres énergies servant à générer de l’électricité, qu’elles soient renouvelables, fossiles ou nucléaires. Ils représentent 480 milliards de dollars en 2023, selon le rapport World Energy Investment 2024 de l’AIE.

Cela a permis d’ajouter 346 GW de capacités, selon l’Irena (une hausse de 32 % en une seule année). La part du solaire dans la production mondiale d’électricité a atteint 5,5 % en 2023 contre 0,1 % en 2010, selon le rapport annuel Global Electricity Review du cercle de réflexion Ember, paru en mai 2024.

Porté par une division par quatre des prix des panneaux solaires depuis 2015, le coût moyen pondéré mondial de l’électricité solaire photovoltaïque a chuté de 89 %, selon l’Irena, il est désormais moins cher d’un tiers que celui du combustible fossile le moins cher à l’échelle internationale. L’organisation intergouvernementale estime que le solaire devrait porter à lui seul 80 % de la croissance des capacités renouvelables mondiales d’ici à 2030.

L’énergie éolienne est l’autre clé de la décarbonation du secteur de l’électricité. Ayant bénéficié d’un développement plus précoce que le solaire, elle produit 7,8 % de l’électricité dans le monde en 2023 contre 0,2 % en 2000, selon Ember. Sa croissance profite d’une baisse du prix des éoliennes de 25 % depuis 2015.

L’énergie éolienne a attiré environ 180 milliards de dollars d’investissements en 2023, selon l’AIE, permettant d’installer 116 GW de capacités, selon l’Irena. Le solaire et l’éolien sont appelés à fournir près de 70 % de l’électricité dans le monde en 2050, selon Ember.

Trois grands défis à relever

Tripler les capacités de production d’energies renouvelables ne suffira toutefois pas à réaliser les objectifs de l’accord de Paris.

Premier défi : relier ces nouvelles sources d’énergie au réseau. Les réseaux sont en effet devenus un goulot d’étranglement pour les transitions énergétiques, selon l’AIE. Après avoir stagné autour de 300 milliards de dollars par an depuis 2015, les dépenses ont atteint 400 milliards de dollars en 2023, indique-t-elle dans son rapport 2024 sur les investissements dans l’énergie.

L’AIE préconise de tenir ce rythme année après année et de mettre en place des réseaux électriques intelligents qui garantissent la fiabilité du système énergétique face à l’intermittence des énergies renouvelables. La production d’électricité solaire et éolienne varie en effet selon l’ensoleillement et le vent. Il faut donc développer des solutions de stockage de l’énergie produite au moment des pics de production afin de la remettre à disposition dans les périodes de creux. L’Irena estime que des investissements dans le stockage de 300 à 400 milliards de dollars par an seront nécessaires pour garantir la flexibilité du réseau électrique.

Deuxième défi : améliorer l’efficacité énergétique. Pour l’AIE, l’objectif de doubler le rythme d’amélioration de l’efficacité énergétique nécessitera un effort supplémentaire encore plus grand. Elle préconise d’investir au niveau de la consommation d’énergie dans les secteurs des transports, du bâtiment et de l’industrie. Or, toujours selon l’AIE, il faudrait tripler les dépenses mondiales actuelles en matière d’efficacité et d’électrification et les porter à 1 900 milliards de dollars par an.

Mais si le mouvement d’électrification des véhicules est relativement fort malgré des ventes inférieures aux attentes dans certains pays comme la France, la rénovation énergétique des bâtiments reste bien en deçà des besoins. Pour l’AIE, gagner en efficacité énergétique permettrait pourtant « de parcourir la moitié du chemin vers la neutralité carbone en 2050 ».

Troisième défi à relever, les investissements dans les énergies renouvelables des pays émergents restent beaucoup trop faibles. Leur part se limite à 15 % du total mondial alors qu’ils représentent les deux tiers de la population mondiale. L’obstacle majeur étant le coût élevé du capital. Selon l’AIE, les coûts de financements d’un projet photovoltaïque à grande échelle sont au moins deux fois plus élevés dans les économies émergentes que dans les économies avancées et en Chine.

Or pour être en ligne avec les accords de Paris, il faudrait, d’ici 2030, multiplier par six leurs investissements qui s’élèvent à 260 milliards d’euros en 2023, estime l’agence.

La Chine, mastodonte des énergies renouvelables

La Chine et les pays avancés représentent 85 % du total des investissements dans les énergies renouvelables. Mais la Chine est la puissance dominante incontestée dans tous les secteurs. Elle représentait à elle seule 60 % des capacités de production d’énergies renouvelables ajoutées en 2023. Et 39 % de la totalité des investissements mondiaux dans la transition énergétique en 2024, selon le rapport « Energy Transition Investment Trends 2025 », publié le 31 janvier par le fournisseur de données et d’analyses spécialisé dans les énergies renouvelables, BloombergNEF. Soit 818 milliards de dollars.

C’est plus que l’Union européenne (381 milliards de dollars) et que les États-Unis (338 milliards) cumulés. Cela représente aussi un effort plus important rapporté à la richesse nationale : 4,5 % du PIB pour la Chine contre 2,5 % pour l’UE et 1,2 % pour les États-Unis. Toujours selon BloombergNEF, l’Allemagne pointe au troisième rang des pays (109 milliards de dollars), devant le Royaume-Uni (65 milliards) et la France (50 milliards).

L’année 2024 a été la première à dépasser le seuil de + 1,5 °C de réchauffement climatique comparé à l’ère préindustrielle, selon le bilan du service européen Copernicus pour le changement climatique, publié le 10 janvier. Si les engagements climatiques des Etats à l’horizon 2030 étaient bien respectés – notamment en matière d’investissements dans les énergies renouvelables -, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) prévoit un réchauffement de + 2,6 °C à la fin de ce siècle. D’où l’appel d’organisations comme l’AIE et l’Irena à augmenter encore très fortement l’effort d’investissement.

Article rédigé par Brief.eco

Crédits photos : pidjoe via istockphoto, dessin : Brief.eco

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