Aller au contenu

L’inflation, les causes, les solutions

Economie
LinkedInTwitterEmailPrint

La vague d’inflation qui a frappé l’Europe à la fin des confinements liés au Covid-19 et au début de la guerre en Ukraine semble avoir enfin reflué. Un cas d’école pour examiner les causes d’une flambée durable des prix et des moyens mis en œuvre pour la juguler, notamment en France. 

Où en est l’inflation en Europe ?

La désinflation se poursuit en Europe. Après un pic à 10,6 % en octobre 2022, l’indice mensuel des prix à la consommation est tombé à 2,4 % en avril dans les pays de la zone euro, d’après Eurostat, l’institut européen de statistique. La France faisant partie des pays ayant eu l’inflation la plus limitée sur les trois dernières années, cela mérite quelques explications.

Mais qu’appelle-t-on inflation ? Et pourquoi faut-il la combattre ? L’inflation est une augmentation générale et durable des prix. Elle se traduit par une perte du pouvoir d’achat de la monnaie. Cela signifie que pour un montant donné, l’inflation diminue la quantité de biens et services que l’on peut acquérir. Concrètement, cela veut dire que si une inflation de 10 % fait passer le prix d’une baguette de 1 euro à 1,10 euro, avec un billet de 10 euros, on ne peut plus acheter que 9 baguettes au lieu de 10 auparavant.

Un certain niveau d’inflation s’avère néanmoins nécessaire pour favoriser l’activité. C’est principalement le rôle des banques centrales de s’en assurer. La Banque centrale européenne (BCE) estime ainsi en juillet 2021 que « le meilleur moyen de maintenir la stabilité des prix est de viser une cible d’inflation de 2 % à moyen terme ». La Fed, la banque centrale américaine, affiche un objectif similaire.

Quelles sont les causes de la période d’inflation actuelle ?

Une offre inférieure à la demande
Plus un produit ou un service est rare, plus le consommateur est prêt à payer cher pour l’obtenir, et plus le vendeur est en mesure d’imposer son prix. Cette situation se produit de façon généralisée et durable dans les économies en forte croissance ou lorsqu’une crise perturbe la production et la distribution, comme lors de la pandémie de Covid-19. La sortie des confinements a été suivie d’un fort rebond de la consommation, alimenté par l’épargne accumulée et les plans de relance. L’appareil productif n’a pu y répondre en raison de difficultés multiples dans la chaîne d’approvisionnement comme la pénurie de composants électroniques et la saturation des capacités de transport maritime.

Hausse des coûts de production
Tous les éléments qui entrent dans la fabrication d’un produit ou la fourniture d’un service ont un prix. S’ils augmentent, le prix du produit ou du service tend aussi à augmenter. La sortie de crise Covid-19 a été marquée par des hausses du prix de matières premières, des pièces détachées, mais aussi par une explosion des prix de l’énergie provoquée par la guerre en Ukraine. On parle à cet égard d’une inflation importée. Celle-ci explique la moitié de la flambée des prix alimentaires en France, selon l’institut national de statistiques Insee.

Le salaire est également un facteur à prendre en compte. Si des augmentations généralisées de salaires sont accordées par les entreprises pour faire face à l’inflation, apparaît alors le risque d’une boucle prix-salaires, comme en France dans les années 1970.

Une entreprise a le choix de répercuter ou non les hausses de ses facteurs de production sur son prix de vente. Plusieurs études, dont une de la BCE portant sur la zone euro en 2022, montrent que les profits ont davantage contribué à l’inflation que les salaires en zone euro, certaines entreprises profitant de l’inflation pour camoufler une augmentation de leurs marges. Un phénomène baptisé « greedflation » ou inflation de la cupidité.

Dépréciation de la monnaie
L’inflation importée peut être aggravée par une détérioration du taux de change de la monnaie. Et comme une grande partie du commerce mondial s’effectue en dollars, toute baisse durable de l’euro par rapport au dollar s’avère très pénalisante. C’est ce qui s’est produit en 2021-2022. Un euro valait 1,22 dollar au début de 2021 et seulement 0,97 dollar en octobre 2022. Cette dépréciation de 20 % a donc provoqué une hausse des prix importés de 20 %.

Excès de monnaie en circulation
Si trop d’argent est créé par rapport à la production de biens et de services, les prix montent. Les banques centrales sont chargées de régler le niveau optimal de monnaie nécessaire pour l’économie en régulant le volume de crédits accordés par les banques commerciales. Mais elles peuvent elles-mêmes créer de la monnaie en rachetant la dette des États. C’est ce que la BCE a fait massivement lors de la crise du Covid-19 afin de financer les mesures de soutien à l’économie, puis les plans de relance qui ont suivi.

Quelles solutions ont été mises en place pour limiter l’inflation ?

Augmenter les taux d’intérêt
En relevant leurs taux d’intérêt dits « directeurs », les banques centrales obligent les banques commerciales à augmenter les leurs, ce qui renchérit le coût des emprunts. La mesure a pour effet de limiter la consommation des ménages, les achats immobiliers et l’investissement des entreprises, autrement dit, la demande.

Face à un niveau d’inflation exceptionnellement fort, la BCE a augmenté à dix reprises son principal taux directeur entre le début 2022 et septembre 2023, en le portant de 0 % à 4,25 %. La Fed a pour sa part augmenté onze fois le sien, le faisant passer de 0 % à une fourchette comprise entre 5,25 % et 5,5 %. Ces relèvements très rapides, annoncés à l’avance, avaient pour but de convaincre les agents économiques que les banques centrales feraient tout pour maîtriser l’inflation. L’objectif étant d’éviter qu’ils n’intègrent l’idée que les prix allaient continuer à augmenter (dans les revendications salariales, par exemple, avec le risque de créer une boucle prix-salaires).

Le risque de cette politique monétaire est d’augmenter le chômage et de provoquer une récession. Certains économistes, comme l’américain Joseph Stiglitz, ont critiqué cette stratégie. Ils ont souligné que l’inflation avait d’abord été provoquée par un choc d’offre lié à des difficultés de production et à une hausse des prix de l’énergie. Or dans ce cas, les outils de la politique monétaire, comme le taux d’intérêt, sont moins adaptés. Et ils n’ont pas d’effet immédiat.

Bloquer les prix
L’explosion des prix de l’énergie exigeait des mesures rapides. La France a donc mis en place des boucliers tarifaires qui ont permis de limiter la hausse des prix du gaz et de l’électricité pour les ménages et les PME ainsi que des chèques à la pompe pour l’essence. Le coût de ces mesures a été estimé à 36 milliards d’euros sur la période 2021 à 2024 par la Cour des comptes, chargée du contrôle de la dépense publique, dans un rapport publié en mars 2024. Ces boucliers tarifaires très généreux ont contribué à réduire l’inflation d’environ trois points de pourcentage entre les deuxièmes trimestres 2021 et 2022, selon l’Insee. Ils sont une des raisons de la moindre flambée d’inflation en France par rapport aux autres pays européens.

Favoriser la concurrence
L’inflation alimentaire reflue toutefois plus lentement. Le gouvernement accuse
régulièrement les industriels du secteur de ne pas répercuter assez vite les baisses des
produits agricoles. En mars 2023, il a par ailleurs fait adopter une loi pour rééquilibrer les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs. Au-delà de l’alimentaire, le président de l’Autorité de la concurrence, Benoît Coeuré, a prévenu il y a un an, dans une interview au Parisien, qu’il pourrait prendre des sanctions contre les « entreprises qui profitent de la situation actuelle pour maintenir des prix élevés. »

La récente vague d’inflation est essentiellement liée à des causes temporaires. Mais une étude de l’Institut de Potsdam pour la recherche sur l’impact climatique estime que l’augmentation des températures va augmenter l’inflation de 1,18 % par an d’ici 2035. Reste à savoir comment lutter contre cette inflation permanente tout en gardant des taux d’intérêt « suffisamment bas pour stimuler les dépenses d’investissement », s’interrogeait Mario Draghi, l’ancien président de la BCE, dans un discours de février 2024. Il propose pour y arriver de coordonner la politique monétaire de la zone euro et la politique budgétaire des États, tout en soulignant la difficulté d’y parvenir.

 

Pour aller plus loin

La greedflation en France
Deux économistes du Cepii, un centre français de recherche en économie, Axelle Arquié et Malte Thie, se sont penchées sur le rôle des profits excessifs des entreprises dans la persistance de l’inflation. Elles ont identifié cinq secteurs qui ont transmis dans leurs prix de vente plus de 100 % de la hausse de leurs coûts et ainsi contribué à l’inflation : les produits alimentaires, les produits métalliques et minéraux, les boissons et les textiles.

Calculez votre taux d’inflation
En France, l’inflation est mesurée mensuellement par l’Insee avec l’indice des prix à la
consommation (IPC), qui repose sur l’observation de la variation du prix de dizaines de milliers de biens et services, comme vous l’explique cet article de Brief.eco. Il explique les différents indicateurs utilisés. Mais aucun taux d’inflation officiel ne peut correspondre à votre taux d’inflation personnelle, qui dépend de la structure de votre consommation. C’est pourquoi l’Insee vous propose un simulateur pour le calculer vous-même.

Article rédigé par le média Brief.eco

Partager cette page

LinkedInTwitterEmailPrint